Matin de folie

P U R E   F I C T I O N
Par Claudine Rongione

Matin de folie


Ce bourdonnement continu envahit mon cerveau.  Encombre mon repos.  Il est si loin, puis se rapproche pour forcer mes yeux lourds à s’ouvrir sur cette tonalité.  Comment une paupière peut-elle être si difficile à relever?  Péniblement, je sors du sommeil profond.  Ouvre les yeux.  Le bourdonnement s’éloigne.  Bah!  Ce devait être dans mon rêve.  Je referme mes yeux afin de retourner dans un monde de quiétude.  Comme un petit pic bois, quelques coups frappent dans ma tête.  Puis le bourdonnement à nouveau.  J’ouvre un seul œil.  Une faible lueur filtre au travers des rideaux épais de la chambre.  Le jour se lève graduellement.  J’ouvre alors les deux yeux puis observe les chiffres lumineux de mon réveille-matin.  5 :45. 

Je passe ma main sur mon visage et ce son dans ma tête s’éloigne finalement.  La bouche pâteuse, je défile ma langue sur mes lèvres gercées.  Je lâche un soupir.  Pourquoi suis-je éveillée?  Dans un effort gigantesque, je me tourne sur le dos afin d’observer plus amplement ce plafond dont j’ai l’impression qu’il va s’écrouler.  Soudain, tout devient vague, tout bouge.  J’ai l’impression que la nausée se met de la partie.  Le bourdonnement dans mes oreilles s’intensifie.  Accompagnée d’une grimace que ma mère qualifierait de mémorable, j’en suis certaine, je me redresse lentement dans le lit puis tout en dégageant l’édredon, je m’assois sur le bord, les pieds suspendus, ayant la nette impression que mes jambes vont faire le poids afin de me faire basculer dans le vide.  La tête me tourne.  Par contre, le bourdonnement s’éloigne.  Je pose mes deux pieds au sol puis me lève.  Je dois aller aux toilettes… En baissant la tête, je me rencontre que je suis nue.  Perplexe, je demeure quelques secondes à observer ce corps qui me semble peu familier.  Comment se fait-il que je ne sois pas en pyjama.  Soudain, mes pensées divaguent vers la soirée d’hier.  Mes folies.  La vodka. La danse.  Mes amies.  L’homme.  J’ébauche un léger sourire.  Puis sentant l’urgence de la bile qui fait son chemin vers mes lèvres, je me dirige en titubant vers la salle de bain. 

Plus mon vomissement s’éternise, plus ma tête vacille et je fais alors une pression de mes doigts sur mes tempes afin de tenter d’atténuer l’élancement qui vient avec le retour du pic bois.  Rien à faire.  Je décide de me brosser les dents, puis tout en observant l’image renvoyée par le miroir, je suis effrayée.  Mes yeux sont bouffis, mon teint blafard, mes cheveux en bataille, ma si belle coiffure de la veille, envolée!  J’ai l’air d’un canard à moitié plumé!  Si ma mère me voyait… je pense qu’elle ne serait pas très fière de moi.  J’entends déjà sa voix…

Je retourne vers la chambre, vers mon lit.  Un frisson parcourt tout mon corps.  J’observe dans la demi-pénombre, une immense courbure sous ma couverture.  Intriguée, je m’approche doucement et reprend ma place dans mon lit, soulève la couette.  L’homme.  Que fait-il dans mon lit, ce matin?

Perturbée, je relève la couverture que j’avais si vivement redescendue quelques secondes plus tôt, afin de l’épier, lui, qui dort profondément et me tourne dos.  Il est également nu.  Confuse, je ne comprends plus rien.  Qu’avaient-ont fait?  Mon esprit s’embrouille et je tente alors de fouiller ma mémoire à la recherche d’indices ou de souvenirs de la veille.  Je referme cette porte virtuelle à ma conscience et m’allonge lentement en fermant les yeux.  Il faut que je me repose.  Rapidement.  Ainsi je pourrai retrouver mon esprit.  Me souvenir. Le bourdonnement est de retour, lancinant.

Là, il est certain que ma mère ne sera pas fière de moi.  Je l’imagine me dire que j’aurais dû prendre mes médicaments que le médecin m’avait prescrit le mois dernier et que je tarde tant à prendre.  Ces idées saugrenues pour certains, sont tout à fait normales à mon esprit.  Ces pensées bizarres pour certains, sont justes spéciales pour moi.  Ces paroles parfois incohérentes pour certains, sont le fruit de mon imagination originale pour moi.

Le pic bois est parti.  Le bourdonnement reprend sa place, survolté.  Avec les paumes de mes mains, je tente d’atténuer cette résonance en bouchant mes oreilles.  Le bruit semble plus éloigné, mais je sens qu’il est là, m’épiant dans l’ombre.  Pourtant il y a longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien que ces derniers temps.  Ce pourrait-il que je me sois trompée si stupidement?  Mon comportement de cette nuit allait sûrement donner raison à ma mère, quand elle me dit que je suis si impulsive.

Annihilée, je laisse tomber les deux bras le long de mon corps et ferme mes yeux à nouveau.  Je dois me calmer.  Tenter d’apaiser la douleur dans mon cou, dans ma tête, dans mon esprit.  Des techniques de respirations me reviennent à l’esprit.  Puis, soudainement, le bourdonnement s’intensifie, agresse.  J’ouvre encore mes yeux, mais cette fois, ça suffit!  J’en ai assez.  Je ne passerai pas ma journée à tergiverser et à divaguer sur mes pensées envahissantes.  J’observe donc.  Ce bruit à mes oreilles est maintenant très précis.  Puis subitement, je le vois.  Je le sais.  Maintenant c’est clair, je ne suis pas folle!  Avec un dernier effort, j’agite mes bras vers le haut et écrase entre mes mains de façon victorieuse ce vilain moustique…

Finalement, je vais pouvoir dormir.  J’écoute alors le silence… Enfin…  Je referme les yeux.


Commentaires

  1. J'ai bien aimé ce texte ... c'est une belle folie... mais qui est l'homme dans ce lit, je veux la suite de cette fiction. Tu as capté ma curiosité!

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    1. L'homme devient moins important lorsqu'elle découvre que finalement elle n'est pas si folle que ça...
      Tu as capté mon intérêt à poursuivre... je n'y avais pas réellement pensé! À suivre...

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  2. Ah, la mouche... c'est aussi dans la fiction que l'on peut l'attraper aussi facilement...

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